Rinse

Crédit: Zan Wimberley

Crédit: Zan Wimberley

L’esthétique de la scène est minimaliste. Un gris froid, des touches de bleu cyan et quelques miroirs. Alors qu’elle traverse à reculons cet espace presque nu, la danseuse et chorégraphe Amrita Hepi nous interpelle : In the beginning there was… s’entame alors une longue énumération des trop nombreux débuts qu’on peut prêter à l’histoire, l’un chassant le précédent, le recouvrant comme un palimpseste.

Présenté au Festival Transamérique en mai dernier, le spectacle de danse Rinse croise les grands récits créateurs — le néant, la formation des atomes, les mythes, les religions, les récits historiques et leurs angles morts et l’expérience intime de l’interprète. Elle évoque sa formation à la danse contemporaine, aux danses autochtones, à l’écriture chorégraphique; elle nous partage ses questionnements personnels et ceux de l’amie dramaturge avec laquelle elle s’est associée pour produire ce spectacle; elle revient sur l’histoire des peuples autochtones dont sont issus ses parents… Dans cette suite infinie de commencements, Hepi dépeint non sans ironie nos réflexes coloniaux, l’omniprésence de la violence réelle et symbolique, notre connexion et notre déconnexion aux territoires, aux rythmes de la nature; notre impuissance, nos peurs et le pouvoir.

« What is it about the beginning that remains intoxicating? The persistent lust for the initial thrill of a romance, scene, cannon, theory, relationship, meal, country — the opening lines », peut-on lire sur son site internet.

Les mots soulignent avec acuité les paradoxes, nuances et enjeux en culs-de-sac de notre époque, mais Rinse nous marque surtout par l’agilité d’une chorégraphie qui utilise la mémoire corporelle et le mouvement pour donner sens, pour sortir des assises rigides des narratifs, des assomptions rapides et des limites de la communication par le texte, la voix. Les mouvements fauchent la répétition des commencements infinis et entament une courbe. On glisse vers la danse qui propose en soi un autre langage, un angle intime, qui encaisse ce dont il est question, le transforme et le suggère. Un échange sensible et englobant s’ouvre à nous, laissant apparaître d’autres possibilités, loin des registres conventionnels. Sans solutions, critiques, ni explications, Rinse brouille début, fin, milieu, futur, passé et présent.

 
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Est-ce que rire seule brise le silence ?

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