Sur notre table de chevet

Découvrez nos suggestions de lecture, trois fictions qui éclairent directement ou indirectement la notion de présence.

L’écriture est humble, simple et toute en retenue. Mais elle nous conduit au-dessus de l’épaule de la jeune Hatoko lorsqu’elle sert un thé ou une limonade au yuzu à la personne venue solliciter ses services. De cette personne, dont elle scrute les mains et les émotions sans jamais croiser le regard, elle doit comprendre les besoins, les attentes, le statut social, les émotions, l’histoire et le langage non-verbal. Cette écoute attentive dicte le choix des mots qu’elle rédigera pour eux, celui de l’outil avec lequel elle les appliquera sur une feuille, celui du papier qui les accueillera, de l’enveloppe et du timbre qui les feront parvenir à leur destinataire. Cette fiction, qui met en scène une jeune écrivaine publique formée par sa grand-mère à l’art de la calligraphie, est une œuvre onirique qui affûte notre disposition à l’empathie et à la présence par la place qu’elle accorde au souffle, aux saisons, à la finesse du moment présent et des souvenirs que l’on charrie.


Elif Shafak nous entraîne dans une histoire de résonances et de rencontres déterminantes, des rencontres qui transforment radicalement la vie et la destinée de ses personnages. Deux trames se déroulent et s’enchevêtrent. Ella, nouvellement engagée comme lectrice dans une maison d’édition, souhaite retrouver une vie à elle, hors de sa vie familiale confortable qui la laisse toutefois en suspens. On lui confie un manuscrit racontant la rencontre au XIIe siècle du poète Rumi avec le plus célèbre derviche du monde musulman. Elle y pénètre et en est saisie, tout comme la personne qui lit le livre… Rumi, chef spirituel et grand érudit que viennent entendre les foules de sa région, fait la connaissance de Shams de Tabriz, un soufi, libre et impétueux, qui obéit à la voie du soufisme et de son cœur, si puissant toutefois qu’il bouscule tant de choses sur son passage. Ella sera transportée, habitée, envoûtée. Ce sera une révélation. Elle sera initiée au soufisme et à la splendeur de l’amour…


On cherche une fiction où la romance, le mystère et la nature foisonnante s’entremêlent et nous dépaysent. On souhaite s’échapper dans une barque, sentir le sel de la mer et entrevoir une sirène dans la brume de l’aurore. On cherche aussi une histoire où la plume nous informe autant de la beauté des couchers de soleil que des causes profondes de la souffrance, dans une conscience de ce qui est là et forge les récits puissants. La sirène n’est pas seulement une femme, c’est une femme taïno, issue des communautés autochtones qui vivaient sur les îles des Caraïbes avant d’être décimées par le colonialisme. Elle a subi la violence et la fureur des ancêtres blessés, elle a trouvé dans l’océan déchaîné un endroit où se réfugier. Mais elle sera capturée par des touristes et sauvée par un pêcheur tombé éperdument amoureux d’elle.

Un livre unique qui nous transporte tout en nous ouvrant les yeux sur notre héritage colonial.

 
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